1.1 L’audition
L’oreille est un organe neurosensoriel à double fonction : d’une part elle joue un rôle prépondérant dans le maintien de l’équilibre du corps, et d’autre part, elle assure l’audition par transmission des ondes sonores produites par un émetteur depuis l’oreille externe (pavillon) jusque l’oreille interne (cochlée) puis vers le cortex cérébral (Figure A). Un émetteur produit des sons sous forme d’ondes sonores à la manière des ondes ondulant à la surface de l’eau. Cette propagation dans l’air est une succession de compressions et de décompressions se propageant jusqu’au récepteur. Grâce au pavillon, l’oreille collecte ces vibrations et transforme l’énergie sonore en message nerveux.
Elle est constituée d’un pavillon cartilagineux d’environ 70
millimètres sur 30 à l’âge adulte et comporte de nombreux
replis. Sa forme rappelle les cornets acoustiques et permet ainsi de concentrer
l’énergie sonore vers un point précis.
Elle se prolonge par le conduit auditif externe, cylindre tortueux
de 25 à 30 millimètres de structure d’abord cartilagineuse
puis osseuse (os temporal). Il est tapissé de peau et recouvert
de liquide visqueux protecteur, sécrété par des glandes.
Ce liquide, le cérumen, lubrifie le tympan, membrane souple et fine
limitant l’accès vers l’oreille moyenne.
1.3 L’oreille moyenne
Elle est délimitée par la " caisse du tympan " (Figure
B), ensemble fermé, rempli d’air, et dont la pression est
ajustable. En effet, une " soupape de sécurité " existe au
cas où la pression extérieure varierait, ce qui raidit le
tympan et gêne l’audition. Les usagers des transports aériens
connaissent bien ce problème …
C’est la trompe d’Eustache qui joue le rôle de soupape : c’est
un
canal osseux, permettant la communication depuis la caisse du tympan jusque
l’arrière des fosses nasales.
Son rôle principal est d’établir un équilibre de
pression de part et d’autre du tympan.
D’un côté de la caisse se trouve le tympan, qui vibre
au contact des ondes sonores. C’est une fine et souple membrane, d’environ
1 centimètre de diamètre et de forme légèrement
conique, qui transforme l’énergie vibratoire aérienne en
énergie vibratoire mécanique. La partie inférieure
est plus épaisse que la partie supérieure et mesure en moyenne
0,1 mm de largeur. Cette particularité explique pourquoi il peut
tout aussi bien vibrer sur des sons graves, que sur des sons aigus.
Directement accolé sur la partie supérieure du tympan, se trouve le premier des trois osselets : le marteau. Les osselets sont les plus petits os du corps humain. L’étrier a la taille d’un demi-grain de riz ! Ils sont reliés entre eux par des espaces cartilagineux, maintenus par des ligaments. Le marteau étant solidaire du tympan, il reproduit à l’identique les vibrations de la membrane sur le deuxième osselet, l’enclume, dont il est solidaire par la tête. Enfin, le troisième osselet, l’étrier, en relation avec l’enclume par sa partie supérieure, repose sur la fenêtre ovale, porte d’entrée de l’oreille interne.
Tous les osselets sont reliés par des ligaments et deux muscles assurent leurs mouvements : l’un de ces muscles est accolé au marteau, l’autre sur l’étrier.
On peut leur attribuer différents rôles :
L’oreille moyenne a un rôle capital : celui de transmettre l’onde sonore en l’amplifiant au maximum. En effet, la fenêtre ovale étant 27 fois plus petite que le tympan, la chaîne des osselets concentre une forte pression vibratoire sur l’oreille interne, l’amplitude du gain étant fonction notamment de la fréquence.
1.4.1 Le labyrinthe
Le labyrinthe se compose d’un vestibule, et de 3 ampoules d’où partent les canaux semi-circulaires. Un canal prolonge le vestibule au travers de l’os du rocher : c’est le canal endolymphatique. En plus d’alimenter le système en lymphe, il assure un maintien de la pression. Dans la partie inférieure, se trouve la fenêtre ovale (où vient s’encastrer la platine de l’étrier) et la fenêtre ronde qui aboutit directement sur la " caisse du tympan ". Ces deux fenêtres membraneuses obstruent l’ensemble de la cavité osseuse remplie de lymphe.
A l’intérieur de la cavité osseuse, se trouve un sac membraneux qui épouse parfaitement la forme de la cavité. Les organes contenus dans ce sac sont donc protégés contre tout risque de choc. L’ensemble se décompose en deux grandes parties : l’une épousant la forme du vestibule, l’autre celle du limaçon. Tout au long de ce sac, se trouvent disposées des cellules sensitives de forme et de taille différente selon la localisation. Elles délivrent toutes une impulsion électrique à chaque étirement et ces influx nerveux sont véhiculés par 6 nerfs auditifs (Figure D) : les 3 nerfs ampullaires, le nerf sacculaire, le nerf maculaire, et le nerf cochléaire. L’ensemble forme le nerf auditif.
Quatre organes siègent à l’intérieur du sac membraneux, chacun d’entre eux ayant une fonction propre :
- La macule utriculaire est une petite masse gélatineuse, déformable, composée d’ostéolithes. C’est un système très sensible aux changements de position du corps par rapport à l’horizontale.
- Les cupules ampullaires, au nombre de trois. Comme la macule utriculaire, on retrouve des masses gélatineuses au niveau des cupules, sensibles elles aussi aux vibrations transmises.
- La macule sacculaire est également une masse gélatineuse comportant des cellules ciliées collées contre la paroi d’un sac : le saccule.
Ces trois organes sont relativement inertes, et ne réagissent que pour des fréquences relativement basses :
1.4.2 La cochlée
Son rôle est fondamental. En effet, non seulement elle assure la transmission des vibrations jusqu’aux cellules sensorielles grâce aux liquides lymphatiques (Figure E), mais en plus, elle garantit la traduction des signaux sous forme de messages véhiculés par le nerf, puis par les voies auditives sous forme de potentiels d’action.
1.4.2.1 L’organisation physiologique (1)
Une coupe transversale de la cochlée permet de différencier 3 conduits : la rampe vestibulaire, la rampe tympanique, et le canal cochléaire. Les deux rampes communiquent au niveau de l’apex par un espace, l’hélicotrême, lequel se révèle être un amortisseur sonore.
Deux membranes séparent dans leur longueur les différents canaux :
1.4.2.2 Les liquides lymphatiques : endolymphe et périlymphe
Leur rôle est double : ils transmettent le signal sonore mécanique depuis la fenêtre ovale jusqu’aux cellules ciliées et participent à la transformation de ce signal en un message nerveux par la mise en jeu de phénomènes moléculaires entre les liquides et les cellules ciliées.
L’endolymphe, situé dans le canal cochléaire est riche en ions potassium (161 mmol/l), pauvre en sodium (1mmol/l) et en calcium (0,02mmol/l). Ces données sont " inversées " pour la périlymphe qui baigne les rampes tympanique et vestibulaire (Tableau I).
L’origine des deux liquides diffère. La périlymphe est un filtrat du plasma (par les réseaux vasculaires capillaires) et du liquide céphalo-rachidien (par communication de l’aqueduc cochléaire). L’endolymphe est un filtrat de la périlymphe, naissant au niveau de la strie vasculaire. A ce niveau, le potentiel endocochléaire (+ 80 mV) est maintenu par une ATPase Na+/K+ qui diminue l’effet du transport passif de potassium de l’endolymphe vers le périlymphe.
1.4.2.3 Les cellules ciliées et la transduction mécano-électrique
Les cellules ciliées sont ainsi nommées car elles présentent à leur surface plusieurs dizaines de stéréocils disposés en 3 rangées de taille différente. Ces cils sont le siège de la transduction mécano-électrique, c’est à dire de la transformation de la vibration sonore en message nerveux. On distingue deux types de cellules : les cellules ciliées internes et les cellules ciliées externes. L’espèce humaine compte environ 12500 cellules ciliées externes et 3500 cellules ciliées internes. Ce nombre est déterminé dès la 10ème semaine de gestation et n’évolue pas : toute cellule endommagée n’est pas physiologiquement réparée.
1.4.2.3.1 Les cellules ciliées internes (Figure G)
Ces cellules ont une forme de poire, un noyau en position médiane
et une membrane plasmique classique.
A la base se situent les complexes synaptiques où l’on observe
les fibres afférentes (neurones de type I exclusivement), environ
une dizaine par cellule, et les fibres efférentes faisant synapses
avec les dendrites des fibres afférentes. Les stéréocils,
de taille dégressive sont disposés en lignes droites.
1.4.2.3.2 Les cellules ciliées externes (Figure H)
Leur forme est allongée, cylindrique et leur noyau est situé
très bas. Au niveau basal on retrouve une synapse afférente
d’un neurone de type II et une fibre efférente. Leur longueur varie
en fonction de leur position tonotopique. En effet, les cellules codant
les fréquences aiguës sont de petite taille (25 micromètres)
et se situent à la base de la cochlée, ce qui est inversé
pour les fréquences graves : les cellules sont situées à
l’apex et sont de grande taille (environ 70 micromètres).
Contrairement aux cellules ciliées internes, les cellules ciliées
externes présentent 3 rangées de stéréocils
disposées en " W " qui sont en étroite relation avec la membrane
tectoriale.
L’électromobilité des cellules ciliées externes
a été découverte en 1985. Il s’agit d’un mécanisme
rapide, ne dépendant ni du calcium ni de l’ATP (il ne consomme pas
d’énergie). Il est lié au changement de conformation d’une
protéine transmembranaire dont la conformation est modifiée
de manière rythmique par la dépolarisation de la membrane
et l’entrée de potassium (K+ ). L’électromobilité
est elle-même contrôlée par le système efférent
médian par la contraction lente calcium dépendante.
1.4.2.3.3 La transduction mécano-électrique (Figure I)
La transformation de l’influx sonore en message nerveux est couramment
appelée transduction mécano-électrique. Lorsque des
vibrations parviennent à la fenêtre ovale par l’intermédiaire
de la chaîne des osselets, le périlymphe contenu dans la rampe
vestibulaire vibre, met en mouvement la membrane vestibulaire et l’endolymphe
du canal cochléaire. Ceci induit une déformation de la membrane
basilaire, de la plaque tectoriale, et un fléchissement rythmique
des stéréocils des cellules ciliées réceptrices.
Ces mouvements entraînent l’ouverture de canaux K+. Les stéréocils
baignent dans un liquide riche en K+. Un courant d’ion K+ s’établit
alors et provoque la dépolarisation de la cellule qui se propage
jusqu’au niveau de la membrane cellulaire. Les canaux calcium (Ca2+) s’ouvrent
et laissent entrer le calcium, entraînant la mise en mouvement de
filaments d’actine de la plaque cuticulaire, et l’ouverture de canaux K+
vers la périlymphe, repolarisant la cellule. Ce signal est ensuite
codé au niveau des terminaisons nerveuses afférentes grâce
à la libération de neuromédiateurs.
On sait aujourd’hui que la vibration de la membrane basilaire est toujours
maximale pour une fréquence, en un point donné. En effet,
comme nous l’avons décrit précédemment, la largeur
et l’épaisseur de la membrane varient de la base à l’apex
de la cochlée. Il semblerait donc que le codage de la fréquence
sonore soit directement dépendant de la position des cellules ciliées
le long de la cochlée.
Mais la vibration de la membrane basilaire ne suffit pas à expliquer
la sélectivité fréquentielle de la cochlée.
En effet, les cellules ciliées externes semblent jouer un rôle
d’amplificateur par leur mécanisme de contraction. Ceci influencerait
considérablement les déplacements des structures et l’excitation
des cellules ciliées internes d’un facteur 100 environ et affinerait
d’autant la sensibilité et la sélectivité fréquentielles.
1.5 Les voies auditives neuronales : organisation fonctionnelle (2)
Les voies auditives transmettent des informations codées jusqu’au
cortex, où elles seront interprétées, confrontées
à des données provenant d’autres systèmes sensitifs
ou moteurs, et intégrés à l’activité cognitive
du cerveau (Figure J).
On ignore aujourd’hui le rôle exact des différents noyaux
" relais " des voies auditives, notamment en ce qui concerne le traitement
de l’information : s’agit t-il d’un simple tri de l’information ou d’une
véritable interprétation ?
Chaque cellule ciliée est doublement innervée, ce qui
suggère un fonctionnement " en boucle " : les informations partent
vers le système nerveux central par le nerf auditif (fibres afférentes),
et reviennent une fois " traitées " par les fibres efférentes.
1.5.1 La voie afférente primaire principale (voie auditive ascendante)
C’est elle qui constitue le nerf auditif. Elle achemine depuis les cellules
ciliées externes et internes jusqu’au cortex, toutes les informations
recueillies par l’oreille. L’énergie mécanique est transformée
en énergie électrique sous forme de potentiels d’action dont
la séquence forme un signal complexe qui sera décodé
par les différents relais et le cortex.
On dénombre chez l’homme environ 35000 neurones auditifs primaires
(neurones du ganglion spiral). Ils se divisent en deux grands types de
cellules : type I et type II.
1.5.1.1 Les neurones ganglionnaires de type I
Les neurones ganglionnaires de type I sont connectés par des
dendrites aux cellules ciliées internes. Ce sont de gros neurones,
myélinisés, bipolaires, qui représentent 90 à
95% du système afférent. Une seule dendrite ne contacte qu’une
seule cellule ciliée interne. Ces neurones ont une activité
spontanée en l’absence de toute stimulation acoustique.
Quelle que soit l’activité spontanée de la fibre, lors
d’une stimulation par un son pur de basse fréquence, la séquence
des potentiels d’action n’est plus aléatoire, mais se trouve synchronisée
avec la fréquence du son pur. Le nombre de potentiels d’action varie
alors en fonction de l’intensité sonore jusqu’à une intensité
maximale à partir de laquelle le taux de décharge est saturé.
On sait notamment que chaque fibre ne se dépolarise que pour
une fréquence donnée. Les fibres codant pour les aigus se
situant à la base, celles pour les graves à l’apex. Cette
observation se limite à des puissances sonores inférieures
à quelques dizaines de décibels. Au-delà, la dépolarisation
se produit quelle que soit la " sensibilité tonale " de la fibre.
Pour les sons complexes, l’analyse par le cortex résulterait
à la fois de la synchronisation des potentiels d’action des fibres
nerveuses (pour les basses fréquences uniquement), mais aussi des
fréquences caractéristiques des neurones ganglionnaires de
type I.
La grande variété de cellules présente de nombreux types de réponse aux stimulations, contrairement aux fibres ganglionnaires de type I. En effet dans le premier cas que nous avons décrit plus haut, toutes les fibres ganglionnaires répondent à une stimulation par des potentiels d’action relativement semblables. Ce n’est pas le cas ici où les potentiels d’action varient considérablement selon que l’on s’intéresse à un type de cellule donné (histogramme en " dents de scie ", " primaire ", " primaire échancré " …)
Chaque partie du noyau cochléaire reçoit des afférences axoniques bien particulières, en fonction de la fréquence caractéristique de chaque fibre (organisation tonotopique) et de l’activité spontanée.
Le rôle principal du noyau cochléaire est donc de recevoir des informations provenant de la cochlée, de traiter ces informations, de les modifier (des systèmes d’inhibition existent), et enfin de les distribuer vers les centres nerveux supérieurs. Pour cela, de nombreuses interconnexions existent entre les différentes parties du noyau et entre les deux noyaux cochléaires. Trois voies de sortie relaient le noyau cochléaire aux centres supérieurs : L’une vers les trois noyaux de l’olive supérieure (strie acoustique ventrale), la seconde vers les noyaux péri-olivaires (strie acoustique ventrale), la dernière vers le lemnisque latéral et le colliculus inférieur (strie acoustique dorsale de Monakow).
A ce complexe enchevêtrement de fibres s’ajoute une importante collatéralisation des axones émis par les neurones du noyau cochléaire reliant souvent plusieurs noyaux distincts : noyaux dorsal et ventral du corps trapézoïde, noyaux du lemnisque latéral (olive supérieure)…
1.5.1.4 Le complexe de l’olive supérieure
Il est constitué de différents noyaux logés dans
la partie ventrale du tronc cérébral entre le noyau cochléaire
et la partie médiane.Il reçoit des afférences du noyau
cochléaire, et en émet vers le lemnisque latéral et
le colliculus inférieur. En retour, il projette des efférences
sur le noyau cochléaire et la cochlée (depuis les noyaux
péri-olivaires).
Comme pour le noyau cochléaire, différents types de cellules
cohabitent de manière tonotopique (selon leur fréquence caractéristique)
et acheminent l’information électrique par des potentiels d’action
de formes différentes.
Ce relais est le premier à faire converger les afférences droite et gauche des deux cochlées. Le complexe de l’olive supérieure pourrait, selon certaines études, jouer un rôle primordial dans la localisation d’une source sonore : ceci grâce à l’analyse d’indices de localisation tels que les disparités temporelles et les disparités d’intensité entre les deux oreilles.
1.5.1.7 Le thalamus et le cortex cérébral auditif
Recevant des afférences principalement du colliculus inférieur,
le thalamus auditif, divisé en trois noyaux (le corps genouillé
médian, la partie postérieure, et le noyau réticulé
du thalamus) représente le dernier relais avant le cortex cérébral.
La majeure partie des voies afférentes au thalamus se projette
sur le corps genouillé médian. Ce dernier donne alors naissance
aux radiations auditives dirigées vers le cortex auditif où
elles se projettent de manière tonotopique. Cette subdivision correspond
à une représentation dans laquelle la cochlée serait
en quelque sorte déroulée depuis la spire basale jusqu’à
la cupule.
Les différentes aires auditives du cortex sont au nombre de six :
Partie 2 : Les acouphènes : un symptôme fréquent et invalidant