2.1 Définition et incidence
L’origine du mot acouphène, terme français, vient du grec
: de « akouein », entendre et « phaïnein »,
paraître. Cette définition équivaut au « tinnitus
» anglo-saxon d’origine latine (de « tinnire », sonner,
tinter).
Le terme d’acouphène peut être employé au singulier
ou au pluriel de manière indifférente.
On peut ainsi définir l’acouphène : Il s’agit de la perception
personnelle et exclusive d’un son en dehors de toute stimulation sonore
de l’appareil auditif.
L’acouphène est donc une perception sonore ressentie au niveau
du cortex auditif. Ainsi, quelle que soit son origine, l’acouphène
est toujours interprété, analysé, traité, au
niveau du système nerveux central.
C’est en fait la résultante d’une activité aberrante
produite en un ou plusieurs endroits sur les voies auditives, qui est interprétée
de façon erronée comme une source sonore, par les centres
supérieurs.
Beaucoup de patients acouphéniques se plaignent du manque de crédibilité qu’ils ont envers leur famille, leurs proches et parfois même leur médecin. En effet, l’inaudibilité par les proches de ces manifestations sonores diminue la crédibilité du malade. Néanmoins, l’acouphène doit absolument être différencié d’un problème psychiatrique (hallucinations, délires…) dont à la fois les symptômes et les manifestations s’en éloignent.
A tout moment de la vie, chaque être humain perçoit des acouphènes pendant un laps de temps très court. En France, aucune étude n’a pour le moment dénombré le nombre exact de patients acouphéniques. On estime qu’environ 15% de la population adulte a déjà perçu des acouphènes soit, en France, environ 4 millions d’individus (3). Il existe d’ailleurs peu d’études donnant des chiffres précis sur la prévalence de ce symptôme. L’une d’entre elles, d’origine anglaise a montré qu’environ 10% des adultes ont occasionnellement des acouphènes qui perdurent plus de 5 minutes, 5% ressentent une gêne moyenne ou sévère et 5% des troubles du sommeil. Ainsi, ils sont 7% à consulter leur médecin de famille pour les acouphènes contre 2,4% de consultation à l’hôpital. En France, 250000 personnes consultent inlassablement leur médecin.
La prévalence infantile n’a pas donné lieu à de
nombreuses études : il existe en effet trop peu de données
à ce sujet (4). L’incidence pédiatrique est d’environ 13%.
Toutefois la majorité des cas concerne les enfants handicapés.
Principalement, il s’agit d’enfants sourds dont les acouphènes sont
très souvent intermittents, plus ou moins agressifs, et souvent
bien supportés. En moyenne, les deux tiers des enfants présentant
des signes de surdité partielle ont des acouphènes, contre
29% pour les enfants sourds profonds. Environ 3% des enfants seulement
se plaignent des acouphènes
Chez l’enfant, la cause est décelable facilement (otites, surdités
congénitales…), ce qui n’est pas le cas chez l’adulte vieillissant.
Différents facteurs influencent l’apparition d’acouphènes,
notamment l’âge et le milieu de vie.
La prévalence augmente régulièrement avec l’âge,
jusque vers 70 ans. Elle est en effet de
4,3% entre 17 et 30 ans alors qu’entre 61 et 70 ans elle atteint 15,8%
de la population (5).
La survenue des acouphènes est spontanée chez les personnes
âgées alors qu’elle résulte généralement
d’un traumatisme chez les jeunes (barotraumatisme).
Le bruit est un facteur de risque et notamment le bruit sur le lieu
de travail. De nombreuses études ont montré que le travail
en milieu bruyant augmente très nettement la prévalence de
survenue des acouphènes (7,5% contre 20,7%) (3).
Une seule étude française concernant l’épidémiologie, la sémiologie et la personnalité des patients acouphéniques est actuellement disponible (6). Il s’agit d’un auto-questionnaire qui aborde l’anamnèse et la sémiologie des acouphènes (ancienneté, localisation, description sonore…), l’expérience médicale des patients, les antécédents familiaux, la vie sociale et personnelle des patients, l’impact psychologique à l’aide de tests validés, les informations démographiques et utilitaires (âge, sexe, habitat…) et enfin les croyances liées aux acouphènes. Deux appels télévisés à six mois d’intervalle ont permis le recueil de 370 puis 233 questionnaires.
En voici les résultats :
L’ensemble des patients présente un acouphène chronique
depuis plusieurs mois, la survenue étant liée au stress (11%)
ou à la contrariété (16%). Toutefois, 37% des personnes
interrogées n’ont pas de souvenir précis en rapport avec
la survenue des acouphènes.
Il existe une forte représentation des personnes âgées
de 55 à 74 ans avec pour conséquence une forte représentation
de retraités (58%), ce qui correspond aux résultats d’autres
études.
Les sujets encore en activité sont cadres moyens ou supérieurs
le plus souvent (Tableau II).
La localisation des acouphènes ne montre aucune prédominance
significative d’un côté ou de l’autre (Tableau III). Ils sont
permanents dans 75% des cas et lorsqu’ils sont intermittents ce n’est que
pendant quelques heures.
L’étude a analysé notamment les termes utilisés
pour caractériser la présence des acouphènes. Les
plus fréquents sont les « sifflements », « bourdonnements
», et « chuintements » (Tableau IV).
Pour la grande majorité des patients chroniques, les acouphènes
sont nettement perceptibles (55%), pour d’autres très intenses (30%)
(Tableau V).
Des fluctuations d’intensité sont rapportées dans 62%
des cas. Elles sont prévisibles 2 fois sur 5 car liées à
la contrariété, au stress, à la fatigue, au bruit
ou au silence d’où la caractérisation des acouphènes
par des adjectifs sans équivoque : fatiguant (40%), gênant
(60%), obsédant (30%), énervant (40%), suicidaire (5 à
8%), ou insupportable (9 à 21%) (Tableau VI).
Les conséquences psychologiques des acouphènes sont variables
: dégradation du sommeil (25 à 30%) et fatigue diurne (29
à 41%), irritabilité (31 à 41%), ou manque de concentration
(32%) (Tableau VII).
L’expérience médicale révèle que 97% des
patients ont consulté un médecin pour leur acouphène
et que 60% ont renouvelé cette démarche auprès de
trois autres médecins. Un tiers des personnes interrogées
se disent insatisfaites de la prise en charge médicale malgré
les traitements médicamenteux (76% des cas), ou parallèles
: hypnose et acupuncture… (23%). Environ un quart des patients se dit soulagé.
Plus de la moitié des sujets (54 à 68%) souffrent d’autres
problèmes auditifs : surdité légère ou forte
(62 à 75% des cas), d’hyperacousie (13%). Les principaux problèmes
de santé annexes des patients atteints d’acouphènes sont
les vertiges (30%), l’hypertension artérielle (25%), le cholestérol
(25%) (tableau VIII).
Dans 2 cas sur 3, il n’est pas retrouvé d’antécédents
familiaux d’acouphènes.
Enfin, les croyances sur l’acouphène quant à son évolution
s’orientent principalement vers la continuation dans le temps (68%), l’absence
de traitement salutaire (54%), et la crainte de la surdité (34%)
ou de l’aggravation de l’état (34%) (Tableau IX).
2.2 Les classifications
Il n’existe pas de classification officielle et reconnue par l’ensemble des scientifiques et des médecins. Les classifications les plus courantes sont de deux types : l’une divisant les acouphènes en fonction de leur manifestation (acouphènes objectifs ou subjectifs), l’autre classification définissant cause par cause l’origine probable des acouphènes.
2.2.1 Les acouphènes objectifs et subjectifs
Les acouphènes objectifs sont les plus rares mais aussi ceux
dont l’origine est facilement identifiable. Ce sont en effet des sons pulsatiles
produits par l’organisme, et perceptibles par un auditeur extérieur.
Les perceptions sonores « entendues » ont une origine réelle
et bien localisée. La cause est soit vasculaire, soit musculaire.
Nous développerons plus tard les causes exactes des acouphènes
objectifs. Ce type d’acouphènes représente environ 10% des
cas d’acouphénie, les 90 % restant étant d’origine subjective.
Pour certains médecins, ces manifestations sonores n’entrent
pas dans le cadre strict de la définition des acouphènes
puisqu' elles ne sont pas exclusivement perceptibles par le malade.
Les acouphènes d’origine subjective sont les plus fréquents,
et surtout ceux dont la cause est la plus difficile à identifier.
Le bruit perçu ne vient pas de l’organisme mais d’un ou plusieurs
dysfonctionnements pouvant se situer du conduit auditif externe jusqu’au
cortex.
Dans ce cas, seul le malade est en mesure d’entendre les acouphènes.
2.2.2 La classification en fonction du site d’origine (7)
* Origine otologique : Il s’agit d’acouphènes dont le site d’origine
est soit l’oreille externe, moyenne ou interne, soit le nerf auditif. Dans
ce cas généralement, les acouphènes s’accompagnent
de surdité et parfois de vertiges
* Origine centrale : Au niveau des relais des voies auditives centrales
* Origine non otologique : vasculaire, cérébrale, cervicale,
ou musculaire
* Origine inconnue : lorsque aucune lésion, aucun autre symptôme,
n’est décelé.
2.3 La physiopathologie
Les acouphènes peuvent être causés par un dysfonctionnement
se situant en n’importe quel point du système auditif : depuis l’oreille
externe jusqu’au cortex auditif (8).
L’une des hypothèses les plus probables est qu’il existe en
un endroit particulier des voies auditives une décharge électrique
synchrone de différentes fibres à l’origine des acouphènes
subjectifs. En effet, sans stimulation extérieure, les fibres auditives
se déchargent continuellement, mais de manière totalement
aléatoire, ce que le cerveau n’interprète pas comme un son.
Toutefois lors d’une stimulation sonore, les fibres se déchargent
en même temps et « informent » le cerveau, grâce
aux relais centraux, de l’apparition d’un son. Ainsi, toute pathologie
renforçant la synchronisation pourrait être à l’origine
d’acouphènes.
2.3.1 L’altération du système de transmission
L’oreille moyenne et l’oreille externe transmettent l’influx sonore
jusque l’oreille moyenne. Cette partie fragile de l’oreille est susceptible
d’être atteinte par différentes processus pathologiques se
manifestant entre autres par des acouphènes.
Il peut s’agir :
- De la suppression du masquage physiologique lors des surdités
de transmission
- De la modification de l’impédance de la chaîne tympano-ossiculaire
(catarrhes tubaires : inflammation de la trompe d ’Eustache)
- Du déphasage de l’onde sonore par modification de mobilité
de la chaîne des osselets et de la fenêtre ovale entraînant
une altération des mouvements liquidiens de l’oreille interne
- D’une pathologie inflammatoire de l’oreille interne (acouphènes
objectifs par augmentation de la vascularisation locale)
- D’une pathologie musculo-ligamentaire : mal occlusion méniscale,
clonies musculaires (acouphènes objectifs)
2.3.2 L’atteinte du système endolymphatique
Les liquides de l’oreille interne contribuent à son bon fonctionnement.
Ils transmettent par effet mécanique l’onde sonore tout le long
de la cochlée et surtout de par leurs concentrations en électrolytes
concourent à l’apparition de potentiels d’action au niveau des cellules
ciliées.
Des dysfonctionnements à ce niveau entraînent des modifications
de l’ouïe et des acouphènes.
Il peut s’agir :
- D’un dérèglement électrolytique (sodium, potassium,
calcium) au niveau de l’endolymphe et d’une modification du potentiel endocochléaire
normalement stabilisé à + 80 millivolts.
- De l’augmentation de la pression intra labyrinthique entraînant
l’ouverture de canaux ioniques sur la membrane de Reissner. La fuite de
courant provoquerait un signal sonore perçu comme un acouphène.
2.3.3 L’atteinte de la micromécanique cochléaire
2.3.3.1 Le découplage entre la membrane tectoriale et les stéréocils
L’hypothèse repose sur l’existence d’un couplage entre la membrane tectoriale et les stéréocils des cellules ciliées. En temps normal, le couplage augmente la sélectivité et la sensibilité des cellules cochléaires. Mais en cas d’ototoxicité ou de surcharge sonore, les stéréocils « libérés » de la membrane tectoriale par effet mécanique pourraient se mobiliser spontanément et générer un bruit de 35 dB environ.
2.3.3.2 Les otoémissions spontanées
Les cellules ciliées externes participent à la sélectivité
et à la sensibilité fréquentielles grâce à
des contractions mécaniques. Cette libération d’énergie
peut être captée grâce à l’utilisation d’un microphone
placé dans le conduit externe de l’oreille. Ce sont des otoémissions
« spontanées » (lorsqu’elles sont enregistrées
sans stimulation sonore) ou des otoémissions
« provoquées », dans le cas inverse.
Leur découverte en 1978 par Kemp a suscité beaucoup d’espoir
dans la recherche clinique sur les acouphènes. Leur origine a fait
l’objet de nombreuses hypothèses. Les cellules ciliées externes
pourraient se trouver à la limite d’un état oscillant que
de nombreux facteurs (bruit, ischémie, ototoxicité, défaut
du système efférent médian…) pourraient déclencher.
Ainsi, des mouvements oscillants des cellules ciliées externes pourraient
exciter des cellules ciliées internes donnant alors naissance à
un son « intrinsèque ».
Toutefois, les otoémissions spontanées sont retrouvées
dans 80% des cas chez des sujets sains, normaux entendant et ne sont pas
perçues. Les cellules ciliées ne semblent donc pas intervenir
dans la majorité des acouphènes.
2.3.4 L’altération de la synapse
2.3.4.1 La toxicité du glutamate
Le glutamate, principal neuromédiateur excitateur rapide du système
nerveux central des mammifères (environ 40% des synapses excitatrices)
semble jouer un rôle prépondérant dans la survenue
d’altérations des synapses du système auditif. Le principal
précurseur du glutamate est la glutamine, mais il est aussi synthétisé
à partir de l’aspartate dans les cellules gliales par la glutamine
synthétase.
Ce neuromédiateur est impliqué dans de nombreuses fonctions
: la vision, le goût, et notamment l’audition. On le retrouve dans
toute la cochlée et tout le long du nerf auditif (dans le noyau
cochléaire), tout comme de nombreux autres neuromédiateurs
: acétylcholine, GABA, dopamine, enképhalines…
Il est présent à la base des cellules ciliées
internes et agit sur deux types de récepteurs synaptiques : le récepteur
NMDA (N-Methyl-D-Aspartate) activé seulement par les fortes intensités
sonores et le non-NMDA sur lequel le glutamate agit de manière prépondérante.
Les récepteurs sont couplés à un canal sodium qu’ils
ouvrent en présence de glutamate.
Ce neurotransmetteur présente toutefois l’inconvénient
d’être toxique pour les neurones lorsqu’il est libéré
en trop grande quantité suite à des traumatismes sonores,
des ischémies cochléaire ou en cas de presbyacousie (9,10).
Chez l’animal, on a découvert que de telles situations entraînent
la surexpression des récepteurs NMDA impliquant l’apparition de
réponses épileptiques traduites au niveau cérébral
par des sons spontanés (acouphènes).
2.3.4.2 Les efférences latérales
La fonction de l’innervation efférente latérale n’est
pas encore bien connue contrairement à l’efférence médiane
dont le rôle est de contrôler la contraction des cellules ciliées
externes. De nombreux neuromédiateurs ont été découverts
: l’acéthylcholine, le GABA, mais aussi la dopamine (présente
uniquement sur les efférences latérales). Ces médiateurs
chimiques modulent l’activité des fibres auditives en inhibant leur
activité : ils diminuent l’activité spontanée des
fibres et augmentent le seuil de réponse à une stimulation
sonore.
Ce système constitue donc un adaptateur de gain permettant d’ajuster
le seuil et la dynamique de réponse des fibres en fonction du niveau
d’entrée.
Tout dysfonctionnement de ce système pourrait entraîner
un emballement des fibres auditives, un éclatement des dendrites
afférentes et favoriser ainsi l’apparition d’acouphènes (11).
2.3.5 La plasticité synaptique
Un choc excito-toxique provoque la libération excessive de glutamate dans la fente synaptique et induit l’éclatement des terminaisons afférentes lorsque le système efférent de régulation (dopamine, acétylcholine, GABA…) est débordé. Dans la majorité des cas, ces neurones ont la capacité de se régénérer en formant de nouveaux prolongements dendritiques avec les cellules ciliées internes. Parallèlement, on observe une modulation de l’expression des récepteurs NMDA dont le blocage par des antagonistes ralentit considérablement la repousse dendritique. A la base des cellules ciliées internes, de nouvelles connexions synaptiques se forment : des synapses entre cellules ciliées internes et fibres efférentes apparaissent. Le glutamate libéré par les cellules ciliées internes agit alors sur une synapse qui n’est plus contrôlée par le système efférent et qui de surcroît surexprime des récepteurs NMDA. La stimulation augmente le risque d’acouphènes et l’activation des fibres efférentes en retour. Cette double innervation à la base des cellules ciliées internes pourrait être à l’origine d’une boucle de rétroaction positive et permettre d’expliquer l’existence de certains acouphènes périphériques.
2.3.6 L’atteinte des relais centraux
La disparition des acouphènes ne peut être assurée par la section du nerf auditif. Ainsi, la complexité des acouphènes chroniques est due à la « centralisation » de ce phénomène. Une atteinte périphérique (cochlée) va pouvoir entraîner des phénomènes de plasticité neuronale centrale et pérenniser les acouphènes.
2.4 Etude clinique
L’étude clinique d’un patient souffrant d’acouphènes requiert
de la part du médecin beaucoup de patience, de persévérance
et un certain nombre de connaissances sur le sujet. La prise en charge
est en effet complexe, consommatrice de temps, et un minimum de psychologie
est nécessaire. Il faut rassurer, écouter et informer le
malade sur son problème. Les objectifs du médecin sont donc
:
- de tout mettre en œuvre afin de diminuer, voire éliminer la
cause des acouphènes,
- de traiter les symptômes annexes qui accompagnent les acouphènes
(nervosité, insomnies, dépression)
- de préparer le patient à tolérer psychologiquement
ses acouphènes à l’aide notamment de prothèses auditives.
2.4.1 L’interrogatoire du médecin
Avant même d’entamer l’examen médical du patient, le médecin devra lui faire préciser certaines informations utiles à son diagnostic (7).
2.4.1.1 Les manifestations des acouphènes
Le médecin questionnera le patient sur différents points :
La date d’apparition et les circonstances d’apparition
La nature des acouphènes : sifflements, bourdonnements,
bruits particuliers
L’évolution depuis l’origine
L’uni ou la bilatéralité
La fréquence moyenne
Les variations de l’intensité en fonction du jour ou de
la nuit, de la position du corps
L’influence des facteurs extérieurs (bruit, température…)
2.4.1.2 Les signes associés
Les signes associées peuvent parfois révéler
la vraie nature des acouphènes. Il peut s’agir de :
Surdité, vertiges
Douleur dans l’oreille, avec ou sans écoulement purulent
Hypoacousie, ou surdité
Hyperacousie (douleur à l’audition de bruit de puissance
acceptable par la majorité)
Céphalées, migraines, douleurs cervicales
Bruits ou claquements dans les articulations temporo-mandibulaires
2.4.1.3 les antécédents
Cette recherche a pour principal objectif d’éliminer certaines
causes facilement identifiables.
Le médecin interrogera le patient sur :
Le mode de vie (exposition au bruit sur le lieu de travail : artificiers,
métallurgistes, militaires…) et le lieu de vie : certains produits
sont ototoxiques, comme la peinture au plomb, le mercure utilisé
dans les amalgames dentaires
Les traitements médicamenteux en cours
Les traumatismes sonores ou barométriques récents
ou anciens : un seul traumatisme sonore peut être à l’origine
des acouphènes comme c’est le cas lors d’attentats, de concerts
de musique ou à la chasse
Sa santé, notamment les patient souffrant d’hypertension
chronique, de diabète, de cholestérol, de goutte …
2.4.1.4 Le retentissement psychologique des acouphènes
Cette phase est primordiale. Le médecin doit savoir quel impact social, quel niveau de gêne les acouphènes induisent. Il recherchera l’impact sur le sommeil (40% des acouphéniques prennent des hypnotiques), sur l’état physique, sur l’état psychique, et sur l’état de la concentration, notamment au travail ou pour la lecture.
2.4.2 L’examen clinique oto-rhino-laryngologique
L’appareil auditif étant en cause, c’est par lui que les recherches débutent. En effet, après avoir nettoyé le conduit auditif, le médecin débutera son examen médical par une otoscopie (examen des conduits auditifs externes et du tympan).
Les autres examens sont :
L’auscultation vasculaire pour la recherche d’acouphènes
subjectifs
Le bilan de la colonne cervicale,
L’examen du cavum,
L’évaluation des articulations temporo-mandibulaire
2.4.3 Les examens complémentaires (12)
2.4.3.1 L’audiométrie tonale liminaire
L’audiométrie tonale liminaire est un examen indolore qui évalue
la perte auditive en stimulant successsivement les deux oreilles avec des
sons purs et des fréquences par palier de une octave de 125 à
8000 Hz. Petit à petit on augmente l’intensité et l’on note
le seuil de détection de chaque fréquence. Le recueil des
informations forme une courbe représentant les seuils d’audibilité
du patient en fonction de différentes fréquences proposées.
Cet examen permet de comparer la perception du son aérien avec la
perception crânienne (perception transmissionnelle et perceptionnelle).
En se renseignant ainsi sur chaque « trou » dans l’audiogramme,
on peut plus facilement localiser la cause des acouphènes.
2.4.3.2 L’audiométrie vocale
Contrairement à l’audiométrie tonale qui teste les sons « purs », l’audiométrie vocale teste chez le malade l’intelligibilité de la parole en fonction de la puissance, ce qui permet de déterminer le seuil de détectabilité (on entend le mot sans le reconnaître) ainsi que le seuil d’audibilité (le mot est reconnu comme tel mais non compris). En pratique, on utilise des mots mono ou dissyllabiques du vocabulaire courant et n’étant pas sujet à confusion. Le sujet étant munis d’un casque, on lui demande de répéter les mots épelés plus ou moins forts. La note finale correspond au pourcentage de mots reconnus en fonction de l’intensité.
2.4.3.3 Le tympanogramme
Cet examen mesure l’inertie du tympan. On soumet le conduit auditif externe à des pressions variables et on enregistre en retour l’amplitude et la compliance du tympan. La courbe issue de cet examen constitue le tympanogramme. L’examen est indolore et permet de suspecter des infections de l’oreille moyenne (otite séreuse…) ou des dysfonctionnements de la trompe d’Eustache.
2.4.3.4 Les réflexes du muscle de l’étrier et du marteau
L’oreille interne est protégée contre les traumatismes sonores grâce aux muscles présents dans l’oreille moyenne. Le nerf facial qui innerve ces muscles est stimulé lorsque l’influx sonore de basse fréquence (moins de 2000 Hz) devient dangereux pour l’oreille interne. Les muscles se contractent et l’impédance du système tympano-ossiculaire augmente. Le test consiste donc à relever le seuil du réflexe des muscles pour des stimulations de sons purs à 500, 1000 et 2000 Hz. Pour chaque fréquence, le seuil normal est aux alentours de 70 Hz.
2.4.3.5 Les Potentiels Evoqués Auditifs du tronc cérébral (P.E.A.)
De pratique courante, cet examen recueille les phénomènes
electrophysiologiques provenant des relais de la voie auditive suite à
des stimulations sonores de 2000 à 4000 Hz. Ces ondes correspondent
à l’activité du nerf auditif (pics I et II), du noyau cochléaire
(pic III), du complexe olivaire supérieur (pic IV) et des tubercules
quadrijumeaux inférieurs (V).
Des électrodes cutanées placées sur le vertex
et les mastoïdes recueillent ces potentiels électriques qui
sont ensuite amplifiés et intégrés. Cet examen coûteux
ne devrait être réservé que pour les cas d’acouphènes
survenant de manière unilatérale et dans le but de rechercher
un neurinome de l’acoustique.
2.4.3.6 Les autres examens
Beaucoup d’autres examens (moins spécifiques) peuvent être pratiqués :
Le bilan biologique : glycémie, bilan lipidique, et hormones
thyroïdiennes
La tension artérielle
L’acoumétrie (Tests de Weber et de Rinne) :
L’acoumétrie fait appel à l’utilisation de diapasons
calibrés en fréquence en différentes octaves. Ces
deux tests utilisent la stimulation en conduction osseuse et en conduction
aérienne ou les deux successivement dans le but de déterminer
deux types de surdité :
* La surdité de transmission, définie comme une anomalie
de fonctionnement de l’oreille externe ou de l’oreille moyenne
* La surdité de perception, définie comme un dysfonctionnement
de l’oreille interne
Ces examens fondamentaux représentent la base du diagnostic
topographique des surdités.
Les tests d’équilibre : s’il existe des antécédents
de vertiges, le test de la marche aveugle (si des vertiges sont associés
aux acouphènes) peut s’avérer utile.
Le scanner
L’IRM : L’imagerie par résonance magnétique de
l’angle ponto-cerebelleux ne doit être envisagé qu’en dernier
recours, lorsque tous les examens pratiqués se sont révélés
négatifs, c’est à dire lorsque le diagnostic semble privilégier
un neurinome, une otospongiose cochléaire, une hypertension intra-crânienne
à faible pression, une boucle vasculaire comprimant le VIIIème
nerf.
Les radiographies cervicales, dentaires, les dopplers vertebrobasilaires
sont inutiles dans les acouphènes non pulsés.
2.5 Etiologies
2.5.1 L’oreille externe
Toute obstruction du conduit auditif externe, aussi minime soit-elle, peut engendrer des acouphènes et donner la sensation d’oreille bouchée. C’est le cas bien entendu des bouchons de cérumen, de l’otite externe, et de l’ostéome du conduit.
2.5.1.1 Le bouchon de cérumen
Le cérumen est secrété par les glandes tapissant
le conduit auditif externe de l’oreille. Son rôle principal est de
lubrifier le tympan afin qu’il assure son rôle de propagateur de
vibrations, de manière optimale.
Un manque d’hygiène ou l’utilisation des cotons-tiges de manière
inadéquate, provoque facilement une accumulation de cérumen
au niveau du tympan et empêche ainsi son bon fonctionnement, induisant
des acouphènes subjectifs.
2.5.1.2 L’otite externe
Cette maladie est fréquente chez les enfants, souvent contractée
à la piscine, et ne cause que très rarement des acouphènes
chez les personnes âgées. Elle se manifeste de manière
bilatérale par une inflammation, des démangeaisons, de la
fièvre et une obstruction du conduit auditif externe avec perte
plus ou moins importante de l’audition. Parallèlement, la vasodilatation
qui en résulte augmente l’effet des acouphènes dits «
objectifs ».
Elle peut-être d’origine bactérienne, mycosique ou secondaire
à la présence d’un corps étranger (cause fréquente
chez les enfants).
2.5.1.3 L’ostéome du conduit
C’est une tumeur bénigne, formée de tissu osseux qui bouche le conduit auditif. L’ostéome se développe localement et très lentement. Il s’accompagne parfois d’acouphènes car les débris s’accumulent entre l’ostéome et le tympan, ce qui retentit sur le bon fonctionnement de la chaîne des osselets.
2.5.2 L’oreille moyenne
2.5.2.1 L’otite séreuse
Elle se manifeste par une inflammation de l’oreille moyenne avec présence
de liquide sans infection clinique. Très fréquente chez l’enfant
entre 2 et 4 ans, elle est favorisée par un climat hivernal, le
tabagisme parental et la vie en collectivité.
On observe une perte d’audition bilatérale par audiogramme de
l’ordre de 20 à 40 dB et des douleurs très localisées,
souvent absentes. L’obstruction de la trompe d’Eustache est à l’origine
de la maladie et entraîne une inflammation dont l’évolution
est spontanée et s’éteint généralement en quelques
semaines. Toutefois, des séquelles peuvent survenir suite à
l’otite, et toucher l’oreille interne. Des vertiges ou une atteinte cochléaire
(acouphènes) peuvent apparaître.
2.5.2.2 L’otite moyenne aiguë
On estime qu’elle touche environ 75% des enfants avant l’âge de
deux ans, et que le pic d’incidence se situe entre six mois et trois ans.
Elle est due, elle aussi, à un dysfonctionnement de la trompe d’Eustache,
avec apparition d’une inflammation, de pus, et d’infection à Streptococcus
pneumoniae (30-40% des cas), Haemophilus influenzae (20-30%), Staphylococcus,
Escherichia coli, de rhino virus, virus respiratoire syncitial …
Toutefois, elle ne donne pas aussi souvent des symptômes acouphéniques,
comme l’otite séreuse, et ne diminue que très peu l’audition.
La récidive est le risque majeur d’une otite mal traitée.
En effet, la chronicité de l’infection risque de détruire
progressivement le tympan, les osselets et l’oreille interne, entraînant
acouphènes, vertiges et de possibles septicémies. De plus,
les poussées infectieuses entraînent des complications des
organes proches : nerf facial et crâne.
2.5.2.3 L’otite chronique cholestéatomateuse
L’otite chronique cholestéatomateuse se caractérise par l’apparition d’un cholestéatome, formation cutanée bénigne de l’oreille moyenne, entraînant une infection osseuse (avec écoulement purulent) et de graves complications (paralysie faciale, labyrinthite, méningite, abcès du cerveau). Les signes sont souvent modérés au début (hypoacousie, otorrhée) et empêchent un diagnostic précoce. L’otite chronique cholestéatomateuse est une maladie très fréquemment récidivante.
2.5.2.4 L’otospongiose
L’otospongiose (du grec « ous », oreille et « spongia », éponge) se caractérise par un remaniement osseux, avec extension de la paroi interne de la caisse du tympan, entraînant le blocage de la platine de l’étrier et la libération d’enzymes dans les liquides labyrinthiques, à l’origine d’une destruction progressive des cellules ciliées, composants fondamentaux de la cochlée (13).
L’otospongiose est une maladie génétique, autosomique dominante, qui dans 80% des cas, est responsable d’acouphènes. Elle atteint environ 10% de la population aux Etats-Unis, avec une prévalence plus importante chez les femmes au moment de la puberté ou de la grossesse (environ deux fois plus que chez les hommes). Il semblerait qu’elle soit favorisée par la synthèse des hormones féminines, dont la concentration augmente considérablement lors de la grossesse et de la puberté. Dans la majorité des cas elle se déclare entre 20 et 50 ans, avec un pic entre 30 et 40 ans.
Cliniquement, le patient se plaint de surdité souvent bilatérale
(70% des cas), d’acouphènes, et de vertiges.
A l’examen, les tympans sont normaux. Seule l’audiométrie permet
de préciser la maladie et d’en distinguer trois formes :
* Otospongiose cochléaire : l’atteinte ne concerne que l’oreille
interne et la surdité qui accompagne les acouphènes se situe
à une fréquence d’environ 2000 Hz.
* Otospongiose transmissionnelle : l’atteinte ne concerne que l’étrier.
Le réflexe stapédien est absent. Cette forme est accessible
à la chirurgie dans 98% des cas avec retour de l’audition normale
dans les jours qui suivent.
* Formes mixtes : Elles associent surdité de transmission et
surdité de perception (liée à une atteinte de l’oreille
interne).
2.5.3 L’oreille interne
L’atteinte de l’oreille interne représente de loin la grande majorité des causes de survenue des acouphènes. L’étiologie est en effet très variée.
2.5.3.1 La maladie de Ménière
La maladie de Ménière se définit par l’association
de quatre symptômes survenant simultanément ou non :
- des bourdonnements ou des sifflements de tonalité grave
- des crises de vertiges
- une surdité fluctuante des fréquences graves s’installant
progressivement
- une sensation de plénitude auriculaire
Environ 5% des personnes souffrant de vertiges seraient atteints de
la maladie de Ménière (12,14). Elle touche autant les hommes
que les femmes avec un pic d’incidence vers 50 ans. Jusqu’à l’adolescence,
elle est une cause plus rare de vertiges.
Cliniquement, c’est l’augmentation de la pression de l’endolymphe à
l’intérieur du canal cochléaire (hydrops), puis des canaux
circulaires, qui serait responsable des symptômes. Les causes sont
mal connues et de multiples raisons sont invoquées : infection virale,
pathologie vasculaire, ou allergie. Il semble également que le stress
soit un facteur déclenchant : souvent les malades s’enferment dans
un cercle vicieux stress, crise, stress…
Dans la majorité des cas, des acouphènes unilatéraux
précèdent la crise de vertiges et s’accompagnent d’une sensation
de plénitude de l’oreille, d’instabilité et d’angoisse auxquels
s’ajoutent nausées, vomissements et sueurs froides.
Les vertiges durent de quelques minutes à quelques heures et
laissent la malade dans un état d’épuisement très
important. A aucun moment de la crise, le malade ne perd conscience.
Entre ces crises, la surdité unilatérale (ou bilatérale
dans 30% des cas) s’installe progressivement, affectant d’abord les fréquences
graves, avec des périodes de rémission. Elle s’aggrave avec
le temps et la perte d’audition touche petit à petit l’ensemble
du spectre auditif, tant sur les fréquences graves que sur les fréquences
aiguës. A cela il faut ajouter une intolérance paradoxale aux
bruits de la vie quotidienne (hyperacousie), qui rend incompréhensible
la parole humaine, par distorsion auditives des son perçus.
L’évolution de la maladie est incertaine et imprévisible. Dans 70% des cas, les vertiges s’estompent progressivement avec l’âge, pour disparaître au bout de cinq ans. La baisse d’audition évolue irrémédiablement vers une surdité presque totale et les acouphènes perdurent.
2.5.3.2 Les traumatismes de l’oreille
Les traumatismes acoustiques sont avec les traumatismes crâniens les principales causes de surdité chez l’adulte jeune. Mais selon les cas les lésions, qu’elles atteignent l’oreille moyenne ou l’oreille interne, n’ont pas la même gravité : les traumatismes de l’oreille interne sont de véritables urgences thérapeutiques (15). Dans le milieu du travail, la mécanisation industrielle est source de surdités professionnelles, de même que dans certains loisirs. Les moyens de prévention et de protection ne manquent pas, mais ne sont pas toujours appliqués pour diverses raisons.
2.5.3.2.1 La blessure de l’oreille moyenne
Il s’agit de lésions engendrées par l’emploi d’instruments utilisés pour nettoyer les oreilles ou rechercher un corps étranger (cotons-tiges, aiguilles à tricoter, allumettes) et dont l’usage inapproprié entraîne des lésions graves de l’oreille moyenne et parfois même de l’oreille interne.
2.5.3.2.2 Le barotraumatisme
L’hyperpression engendrée par la descente en plongée sous-marine
ou le vol en avion peut provoquer des acouphènes, des vertiges et
une surdité transitoire. Le barotraumatisme représente environ
80% des accidents de plongée sportive. Les paliers de décompressions
sont efficaces lors des remontées de plongée sous-marine
car ils évitent des changements de pressions trop rapides au niveau
du tympan.
Le blocage de trompe auditive (trompe d’Eustache) à l’origine
des symptômes, s’accompagne dans 50% des cas d’une atteinte de l’oreille
interne. Lors de longues plongées répétées
et profondes, surviennent des lésions centrées principalement
sur l’oreille interne (10% des cas). L’évolution est favorable en
l’absence d’épanchement. Dans le cas inverse, des séances
d’aérosolthérapie manosonique favorisent la guérison.
2.5.3.2.3 Les traumatismes crâniens
Les traumatismes crâniens avec fracture du rocher (4 à 6% des cas) atteignent dans 60% des cas des adultes de moins de 30 ans. Qu’elles soient frontales, tranversales ou mixtes, les fractures engendrent souvent des lésions de l’oreille interne et moyenne potentiellement irréversibles. Le nerf facial est touché dans 20 à 50% des cas. Une surdité apparaît dans 7 à 50% des cas.
2.5.3.2.4 La perforation du tympan par effet de souffle
Beaucoup de chocs sont à l’origine de telles blessures, c’est le cas de la chute d’un surfeur sur l’eau, d’une gifle « trop violente », ou de l’impact d’un ballon sur l’oreille. Le plus souvent, il s’agit d’explosions dont les conséquences sont non négligeables : lésions tympaniques, dérangement ossiculaire et atteinte de l’oreille interne. Même si le tympan est détruit, l’audition peut être restaurée malgré la présence d’une surdité sur les fréquences 4000 Hz et voisines.
2.5.3.2.5 Le traumatisme acoustique
Le bruit peut se définir comme une sensation auditive désagréable
et gênante. Trois éléments le définissent :
le niveau sonore, la fréquence et la durée. Selon certains
médecins ORL, le bruit serait à l’origine de plus de 80%
des acouphènes. En 1992, une enquête française a montré
que 26% des 17-18 ans présentait une perte sensible d’audition à
la fréquence 4000 Hertz. En grande Bretagne ce pourcentage atteint
28%, aux Etats-Unis 31%.
Tous les bruits de la vie courante sont susceptibles de provoquer des
dommages de l’oreille interne (tableau X).
Les structures de l’organe de Corti vont être plus ou moins altérées
en fonction de la durée d’exposition et de l’intensité des
stimulations (supérieures à 90 dB). En effet, une courte
exposition à 130 dB (réacteurs d’avion) provoque les mêmes
blessures auditives qu’une exposition de quelques heures à 100 dB
(en boîte de nuit). L’exposition prolongée à de fortes
pressions sonores cause une destruction excitotoxique des synapses des
cellules ciliées internes et une atteinte de la première
rangée de cellule ciliées externes. C’est la libération
excessive de glutamate sous l’effet de la surcharge sonore qui induit cette
toxicité auditive. Normalement, un neurone glutaminergique libère
peu de glutamate. Les systèmes régulateurs (cellules gliales)
évitent l’emballement du système en capturant le glutamate
libéré et en le recyclant. En cas d’ischémie ou de
surstimulation sonore importante, l’accumulation de glutamate s’accroît
dans la synapse et sature la capacité de régulation des cellules
gliales. La libération massive de glutamate provoque l’ouverture
simultanée des canaux sodium et calcium. L’excès intracellulaire
de calcium induit des lésions cellulaires entraînant la mort
neuronale. La production simultanée de radicaux libres détruit
les processus respiratoires de la cellule. Deux types de lésions
apparaissent : soit l’éclatement de la synapse (processus réversible),
soit la mort neuronale (apoptose). Dans le premier cas, les acouphènes
sont temporaires car les cellules se régénèrent, dans
le second cas, ils sont chroniques.
Les mécanismes de réparation dépendent d’une part
de l’atteinte mais aussi d’autres facteurs tels que la santé et
l’âge
du malade.
Au niveau des cellules ciliées externes, suivant le niveau du
bruit, son caractère impulsif et la durée d’exposition, les
dommages causés vont être :
- Soit bénins : il apparaît une désorganisation
des cils, avec fissures, cassures et plus ou moins disparition. La réparation
est possible en quelques jours.
- Soit graves et définitifs : le métabolisme de la cellule
est atteint et la cellule disparaît
Lors de fortes expositions répétées à des bruits impulsifs (pétards, armes à feu…), en plus des dommages citées ci-dessus, s’ajoutent des lésions mécaniques de la membrane basilaire : le canal cochléaire perd de son étanchéité et la fonction cochléaire peut être complètement abolie.
Le bruit produit des effets multiples sur l’organisme au niveau de l’audition
mais aussi à d’autres niveaux. En effet une exposition soutenue
au bruit perturbe le système nerveux en augmentant la fatigue du
sujet exposé. D’autres effets s’ajoutent tels, la nervosité,
l’irritabilité, la perte de vigilance, d’attention, les difficultés
de concentration et de mémoire.
D’une manière générale, la plupart de nos appareils
physiologiques sont perturbés par le bruit et notamment les systèmes
endocrinien et immunitaires. Au niveau de l’oreille, le bruit entraîne
une fatigue auditive.
Les surdités professionnelles sont fréquemment rencontrées.
Elles se définissent comme étant des altérations irréversibles
de l’oreille interne consécutives à l’exposition prolongée
à des bruits résultant de l’exercice d’une profession. Ces
surdités évoluent irrémédiablement par paliers
et touchent les fréquences proches de 4000 Hz (perte de 30 dB environ),
puis évolue vers 2000 Hz, 1000 Hz et 8000 Hz. La gêne est
alors très importante. La surdité est alors sévère
puis profonde. L’arrêt de l’exposition au bruit ne règle pas
le problème : dans de nombreux cas, l’aggravation se poursuit de
manière inéluctable
Plusieurs facteurs favorisent ces surdités :
- L’intensité du bruit supérieure à 80 dB (métiers
à risque : métiers du métal, conducteurs de poids
lourds, travaux de voirie …)
- La fréquence élevée
- La durée d’exposition
- Les sons discontinus
- L’âge supérieur à 40 ans
- Les lésions préexistantes (les surdités de perception
constituent un facteur de risque alors que les surdités de transmission
protègent l’oreille interne)
- La susceptibilité individuelle
Cette baisse d’audition s’accompagne très fréquemment
de bourdonnements d’oreilles.
La prévention repose essentiellement sur divers mesures d’entreprise
dont la réduction de l’intensité des bruits à leur
source, l’isolement et l’insonorisation des ateliers bruyants, la surveillance
médicale des personnes exposées et la protection individuelle
(port de casque…). La surdité professionnelle est reconnue comme
étant une maladie professionnelle et elle est indemnisée
à ce titre.
Parmi les autres causes pouvant endommager l’oreille, on peut citer l’emploi d’armes à feu sans protections (chasseurs), le port de baladeurs, les explosions (attentats)…
Face aux agressions sonores dont nous sommes tous, volontairement ou non les cibles, l’oreille possède un moyen de « défense » contrôlé par le système nerveux autonome : les muscles de l’oreille moyenne, lesquelles se trouvent sollicités de manière réflexe, lors d’une « surcharge » sonore. C’est le nerf facial qui en est le nerf moteur. Toutefois, comme nous l’avons déjà vu précédemment, ce réflexe n’est pas toujours suffisant car pour des fréquences supérieures à 1000 Hz et une forte intensité, la protection physiologique est très largement diminuée.
2.5.3.3 La presbyacousie
Toutes les cellules ciliées disparaissent petit à petit et ne se régénèrent pas. Ce capital de départ diminue d’autant plus vite que l’oreille est agressée : en effet la perte auditive est fonction des drogues ototoxiques, des agressions sonores et des traumatismes accumulés au cours de la vie.
Cette modification de l’ouïe, caractérisée par une diminution de perception bilatérale et symétrique est observée chez les personnes âgées mais peut toucher précocement l’adulte jeune. Ce vieillissement est aussi dû à des facteurs héréditaires, métaboliques, nutritionnels, et vasculaires.
La baisse d’audition, particulièrement ressentie dans le bruit, évolue vers une perte d’audition progressive dans les aigus. Dans 10 à 20% des cas, la presbyacousie s’accompagne d’acouphènes bilatéraux, souvent de faible intensité et bien tolérés. Ces sujets sont plus fragiles et donc plus vulnérables à toute attaque agressive sur l’oreille (bruit, toxiques…). La presbyacousie ne se guérit pas et se compense très mal.
2.5.3.4 La surdité toxique et médicamenteuse
La prise d’un médicament n’est jamais sans risque pour celui qui le prend. Le pharmacien doit connaître les effets indésirables des produits qu’il vend quotidiennement même si cela ne représente qu’une petite partie des médicaments de l’officine. Certains sont d’usage courant…
L’ototoxicité est définie comme une perturbation acoustique transitoire ou définitive induite par la prise de substances médicamenteuses. Les risques sont augmentés lors de traitements longs, répétés, chez des sujets fragiles (insuffisant rénaux ou ayant des antécédents otologiques), et lors de traitements multiples associant divers médicaments ototoxiques. Il est indispensable de distinguer deux catégories : Dans l’une, on trouve tous les médicaments ne perturbant le fonctionnement de l’oreille que lorsqu’ils sont administrés à dose normale, exagérée ou sur une trop longue période (salicylates, diurétiques de l’anse, dérivés de la quinine…). L’effet est donc temporaire et souvent de faible incidence. Dans l’autre catégorie, se trouvent tous les médicaments dont l’incidence toxique sur l’oreille interne est potentiellement irréversible (aminoglycosides, cisplatine et dérivés). Une liste non exhaustive des médicaments toxiques pour l’oreille interne se trouve à l’annexe.
2.5.3.4.1 Les aminoglycosides
Les antibiotiques de la famille des aminoglycosides sont bactéricides
et ne sont employés pratiquement que par voie parentérale.
Ils combattent les infections en inhibant la synthèse protéique
des bactéries par fixation sur les ribosomes 30S. Leur spectre est
large : entérobactéries, Listeria, Corynebacterium diphtériae,
Bacillus anthracis, Pastorella multocida …
Les aminoglycosides possèdent un potentiel toxique large avec
des effets musculaires ou allergiques rares mais graves. Les reins (par
lesquels ils sont majoritairement éliminés sous forme inchangée)
et l’oreille interne sont les principales cibles toxiques (16,17).
Pour cette dernière, la toxicité vestibulaire (vertiges,
ataxie, nystagmus) précède l’atteinte cochléaire qui
se manifeste au cours du traitement, parfois même plusieurs jours
après. Elle apparaît de manière brutale par une perte
de l’acuité auditive uni ou bilatérale, souvent irréversible
et inappareillable.
La streptomycine (STREPTOMYCINE® Diamant), la gentamicine (GENTALLINE®)
et la tobramycine (NEBCINE®) ont une toxicité à prédominance
vestibulaire. La kanamycine (KAMYCINE®), et l’amikacine (AMIKLIN®)
ont un tropisme cochléaire.
L’incidence des effets secondaires peut atteindre 10 et jusqu’à
20% des cas en présence de facteurs de risque :
- doses quotidiennes élevées
- traitement de plus de 10 jours
- administration antérieure d’aminoglycosides
- administration d’autres drogues ototoxiques : furosémide,
acide ethacrynique
- insuffisance rénale
- âge avancé
- atteintes auditives antérieures
La toxicité des aminoglycosides est d’autant plus importante
que leur diffusion dans les liquides lymphatiques (endolymphe et périlymphe)
est rapide d’où des concentrations élevées pendant
des temps prolongés (les demi-vies sont d’environ 12 heures dans
le périlymphe).
Les lésions histologiques sont aujourd’hui bien documentées
: destruction des cellules ciliées de l’oreille interne (maximale
au niveau de la base du limaçon). Le mécanisme est mal connu
mais il semblerait que la fixation des aminoglycosides au niveau des membranes
des cellules sensorielles puis leur incorporation irréversible dans
la cellule trouble la fixation du calcium, altère les mitochondries,
le réticulum endoplasmique, ainsi que tout le métabolisme
cellulaire.
Les études pharmacologiques ont montré l’importance du
pic sérique lors de traitements par les aminoglycosides. Le pouvoir
ototoxique de ces antibiotiques devient préoccupant pour des pics
supérieures à 10-12 milligrammes par litre pour la gentamicine
(GENTALLINE?), la sisomicine (SISOLLINE®), la tobramycine (NEBCINE®),
la netilmicine (NETROMICINE®) et la dibékacine (DEDEKACYL®),
alors qu’il faut atteindre 30 à 40 milligrammes par litre pour l’amikacine
(AMIKLIN®).
L’origine de la toxicité provient aussi de l’accumulation des
aminoglycosides dans l’organisme, d’ou l’insistance depuis quelques années
sur l’analyse de l’aire sous la courbe, reflétant mieux le risque
encouru.
Afin d’éviter tout risque d’ototoxicité, il faut respecter
certaines règles précises :
- Eviter les doses unitaires trop élevées et préférer
les injections discontinues à 12 heures d’intervalle
- Eviter les traitements de plus de 10 jours
- Eviter l’association à d’autres médicaments ototoxiques
(diurétiques de l’anse…)
- Privilégier au maximum la voie intramusculaire afin d’assurer
des taux sériques constants
Actuellement il semblerait que la netilmicine (NETROMICINE®) soit
l’aminoglycoside le moins ototoxique aux doses habituellement utilisées,
grâce notamment à une élimination plus rapide par rapport
aux autres antibiotiques de la même famille (18). Ainsi, chez les
patients âgés, soumis à une autre thérapeutique
(diurétiques, anticancéreux), ou ayant une insuffisance rénale,
la netilmicine semble être l’aminoglycoside de choix.
Le tableau XI liste les aminoglycosides en fonction de leur toxicité
sur l’oreille interne (15).
2.5.3.4.2 Les diurétiques de l’anse
Ils sont traditionnellement utilisés pour combattre l’hypertension
artérielle, les œdèmes rénaux, cérébraux
et hépatiques, ainsi que l’insuffisance cardiaque. Leur mécanisme
d’action est principalement orienté vers les reins : ils inhibent
la réabsorption rénale de sodium, de potassium et de chlore
et augmentent leur élimination urinaire. De même, ils agissent
de manière identique au niveau de la strie vasculaire, et induisent
une ototoxicité réversible le plus souvent. La strie vasculaire
maintient un gradient de concentration à l’origine du potentiel
endocochléaire. L’administration d’un diurétique en intra-veineux
va tendre à baisser le potentiel endocochléaire maintenu
par la strie vasculaire grâce à une pompe
ATP- sodium/potassium dépendante. L’usage concomitant d’autres
substances ototoxiques compromet le caractère temporaire de la toxicité
(19).
Le principal diurétique de l’anse utilisé est le furosémide
(LASILIX?).
Les doses cliniques utilisées sont très variables : de
20 à 300 mg par dose selon les cas.
La demi-vie est d’environ 1 heure et elle est augmentée en cas
d’insuffisance rénale.
Le furosémide est très fortement lié aux protéines
plasmatiques. Cette particularité pharmacologique renforce sa toxicité
en cas d’insuffisance rénale par l’augmentation de la quantité
de furosémide « libre ».
Les effets ototoxiques (surdité, vertiges et/ou acouphènes)
et la récupération des facultés auditives dépendent
de différents facteurs :
-la voie d’administration
-la vitesse de perfusion
-l’état des reins du patient
-l’âge
-les substances associées
La voie intraveineuse est d’autant plus toxique que la dose est forte
et perfusée rapidement :
Une perfusion de furosémide à 25 mg par minute induit
des baisses d’acuité auditives chez 65% des patients. Lorsque la
perfusion est de 15 mg par minute chez des sujets insuffisants rénaux,
les effets auditifs sont faibles. C’est pourquoi, on préconise une
perfusion IV maximale de 4 mg par minute avec un maximum sérique
de 50 microgrammes par millilitre.
Certains auteurs ont décrit qu’une dose de 500 mg de furosémide
en IV sur 3 minutes cause une perte auditive pendant 4 heures chez son
patient, alors qu’une dose de 240 mg chez ce même sujet passée
en 5 minutes ne cause aucun effet délétère.
Dans la majorité des cas, l’effet ototoxique se manifeste par des pertes dans les fréquences moyennes. Enfin, la prise de furosémide par voie orale ne provoque que très rarement des effets ototoxiques, même chez les sujets insuffisants rénaux.
2.5.3.4.3 Les antinéoplasiques
L’anticancéreux le plus toxique est sans aucun doute le cisplatine
(CISPLATYL®) (20). D’autres se révèlent potentiellement
dangereux : la vincristine (ONCOVIN®), la vindésine (ELDISINE®),
le paclitaxel (TAXOL®).
Le cisplatine est une agent anti-cancéreux alkylant dérivé
du platine. Il inhibe la synthèse de l’ADN par formation de ponts
entre les chaînes et entraîne des lésions irréversibles
sur les cellules cancéreuses.
Les acouphènes sont une conséquence fréquente
de l’usage du cisplatine. Ce dernier agirait en inhibant l’activité
de l’adenylate cyclase des tissus de la cochlée et en augmentant
l’activité spontanée dans le système nerveux auditif.
Les dommages subis par l’oreille interne sont semblables à ceux
causés par les aminoglycosides. En effet, des expérimentations
animales ont montré que le traitement avec le cisplatine entraînait
d’abord des lésions au niveau basal, puis, si le traitement se prolonge,
au niveau apical de la cochlée. Les symptômes révélant
une ototoxicité sont l’otalgie, la perte d’acuité auditive
sur les fréquences aiguës (de 6 à 8000 Hz) de façon
bilatérale. Lorsque le traitement se prolonge, une baisse d’audition
sur les fréquences basses peut néanmoins survenir (destruction
de cellules apicales).
Dans 2 à 36% des cas des acouphènes persistent quelques
heures à quelques jours mais risquent d’être permanents lorsque
la baisse d’audition est profonde.
La dose maximale de cisplatine est de 3 à 4 mg/kg. La perfusion
en bolus augmente les risques d’ototoxicité, de même que l’insuffisance
rénale. Il est donc toujours préférable d’étaler
les doses dans le temps et de perfuser lentement.
Les dérivés tels que la carboplastine (PARAPLATINE®)
sont beaucoup moins ototoxiques.
2.5.3.4.4 Les salicylés
Les salicylates administrés par voie orale sont absorbés
d’autant plus rapidement que l’estomac est vide. Dans le cas inverse, la
demie vie est doublée. Dans l’organisme, les salicylates pénètrent
rapidement dans la périlymphe et la concentration s’établit
à environ un quart à un tiers de celle du sang.
Les salicylés sont à l’origine de baisse d’audition de
10 à 40 décibels. La régression des symptômes
apparaît généralement 2 à 4 jours après
la fin du traitement (20).
Les origines de la toxicité sont variées : hémorragies
congestives des canaux semi-circulaires et de l’organe de Corti, vasoconstriction
généralisée des capillaires de la strie vasculaire
avec œdème des cellules endothéliales, destruction des cellules
ciliées externes, et altération des potentiels d’action.
La strie vasculaire synthétise des prostaglandines vasodilatatrices.
Les salicylés diminuant leur libération augmentent la toxicité
locale.
2.5.3.4.5 La quinine et ses dérivés
La quinine et ses dérivés sont aussi susceptibles de provoquer des acouphènes, des vertiges et d’autres symptômes dont l’ensemble caractérise le cinchonisme. En effet, un traitement mal dosé ou prolongé peut produire des symptômes variés tels que perte auditive, acouphènes, vertiges, nausées, vomissements orientant le diagnostic vers le cinchonisme. Il est excessivement rare que les acouphènes perdurent après l’arrêt du traitement. Toutefois, quelques cas ont été recensés avec des substances comme :
HEXAQUINE* (Quinine)
LONGACOR* (Quinidine)
SERECOR* (Hydroquinidine)
QUINIMAX* (Alcaloïdes du quinquina)
2.5.3.4.6 Les gouttes auriculaires
Il est bon de rappeler que les gouttes auriculaires ne doivent être
administrées que sur prescription médicale et en aucun cas
en automédication. En effet, certains médicaments (antiseptiques
type chlorhexidine, glycopeptides, aminosides, excipients..) peuvent passer
dans l’oreille interne et détruire définitivement l’oreille
interne entraînant alors des troubles de l’audition et des vertiges.
Ces gouttes ne doivent donc en aucun cas être administrées
en cas de lésions du tympan.
ANTIBIOSYNALAR® : Néomycine, Polymyxine B, Fluocinolone
COLICORT® : Colistine, Tetracycline, Prednisolone
PANOTILE® : Néomycine, Polymyxine B, Fludrocortisone, Lidocaïne
POLYDEXA® : Néomycine, Polymyxine B, Dexaméthasone
CORTICETINE® : Framycétine, Dexaméthasone
2.5.3.4.7 Les toxiques auriculaires
D’autres toxiques non médicamenteux peuvent également
engendrer des acouphènes s’ils sont ingérés en trop
grande quantité. L’arsenic, certains métaux comme par exemple
le plomb encore présent dans les peintures anciennes, le mercure
aujourd’hui retiré des thermomètres mais toujours présent
dans certains amalgames dentaires sont trois toxiques puissants qui provoquent
l’anoxie cellulaire à l’origine d’acouphènes.
Parmi les gaz, le monoxyde de carbone, inodore, provient d’une combustion
incomplète à l’origine d’accidents mortels. Il provoque une
anoxie cellulaire par compétition très défavorable
avec l’oxygène au niveau de son site de fixation sur l’hémoglobine.
Enfin, les produits de la vie courante tels que le tabac et l’alcool,
augmentent la tension artérielle et, en plus d’une agression cardiaque,
altèrent le système auditif.
Dans tous les cas, une ischémie de quelques minutes au niveau
de l’oreille interne suffit parfois à détruire définitivement
l’oreille sans guérison possible.
2.5.3.5 La labyrinthite infectieuse
La labyrinthite infectieuse est une inflammation du labyrinthe, la cavité
de l'oreille responsable de l'équilibre. La cause la plus fréquente
est due à une infection d'origine virale (suite à une grippe
ou une maladie comme les oreillons) ou bactérienne.
La maladie débute souvent par des sensations de vertiges intenses
qui peuvent perdurer jusqu'à une semaine. La maladie est rarement
dangereuse et dure généralement entre deux et huit semaines.
Les symptômes sont variés : vertiges, étourdissements,
parfois des nausées, des vomissements, des mouvements involontaires
des globes oculaires (nystagmus), des sifflements dans les oreilles et
une diminution de l'acuité auditive (hypoacousie).
La labyrinthite virale guérit spontanément la plupart
du temps, avec ou sans séquelles. L’utilisation des médicaments
pour soulager le vertige est utile, mais leur champ d'intervention se limite
aux symptômes.
La labyrinthite infectieuse demande un traitement médical rapide
(antibiotique ou chirurgical) pour éviter la possibilité
de complications graves (surdité définitive ou méningite).
Rester au lit en bougeant la tête le moins possible diminue la
sensation de vertiges.
2.5.3.6 Les surdités brusques ou fluctuantes
Dans la grande majorité des cas, la surdité est associée
à des acouphènes. Toutefois, il existe de nombreux sujets
travaillant dans le bruit ou appartenant à la catégorie des
séniors qui présentent une diminution de l’acuité
auditive, mais pas d’acouphènes (21).
L’acouphène est la cause et non la conséquence du déficit
auditif. En effet, le déficit auditif ne suffit pas à lui
seul à déclencher des acouphènes. Des facteurs extérieurs
sont nécessaires (des évènements stressants notamment),
impliquant une interaction forte entre systèmes auditif et émotionnel
(système lymbique).
Ainsi, les centres auditifs supérieurs détectent l’acouphène
et rendent possible le développement d’un réflexe conditionné
dont la vigueur régulera l’importance de la gêne aux acouphènes.
On peut penser que les centres auditifs sont ainsi capables de déceler
un déficit auditif d’origine cochléaire et de réagir
en produisant un bruit, l’acouphène.
Récemment, une équipe anglaise de Cambridge a étudié
la corrélation entre la nuisance psychologique et le degré
de perte auditive chez les sujets atteints d’acouphènes. Le constat
est simple : plus le degré d’atteinte auditive est grand (surdité
modérée ou sévère), plus la qualité
de vie est diminuée : obsession des acouphènes, anxiété,
dépression.
2.5.4 Les voies acoustiques
L’étiologie des acouphènes provient de n’importe quel point du système auditif. Les voies afférentes de l’oreille interne vers le cortex en font partie.
2.5.4.1 Le neurinome de l’acoustique
Le neurinome du VIIIème nerf est la plus grande crainte étiologique
des acouphènes (12,22). Elle représente environ 10% des cas
de tumeurs cérébrales. Il s’agit d’une petite tumeur, bénigne
puisque non cancéreuse, présente au niveau du conduit auditif
interne sur la partie distale du nerf. Cette affection touche entre 0,7
et 1 personne sur 100000 par an, et représente près de 5%
des surdités unilatérales de perception et 1% des surdités
brusques. Le neurinome se développe aux dépens des cellules
entourant la gaine nerveuse (cellules de Schawn). Il semblerait que l’incidence
augmente lorsque le patient souffre déjà de fibromatose (dégénérescence
du nerf vestibulaire). La croissance de la tumeur est très lente
(environ 1,5 millimètre par an) et se confirme suite aux plaintes
de perte progressive et unilatérale de l’audition. En effet, la
croissance du neurinome comprime le nerf auditif (accolé au nerf
vestibulaire) et empêche une bonne transmission des informations
vers le cerveau, ainsi qu’une vascularisation suffisante. S’il n’est pas
détecté suffisamment tôt, le neurinome peut aussi toucher
le nerf facial (IIIème nerf crânien) et provoquer une paralysie
faciale.
On confirme le diagnostic lorsqu’il y a :
- Une apparition d’une surdité unilatérale progressive
ou brusque
- Des acouphènes aigus et unilatéraux
- Une diminution des sensations tactiles de la joue
- Une réduction du réflexe cornéen
- Des céphalées et vertiges (symptômes rares)
Le médecin confirmera le diagnostic par différents examens
: audiométrie tonale, vocale, étude du réflexe stapédien,
Potentiels Evoqués Auditifs, scanner, et IRM (Imagerie par Résonance
Magnétique).
La disparition du neurinome n’étant pas spontanée, le
recours à la microchirurgie est souvent nécessaire même
si dans certains cas elle aboutit à la surdité totale du
côté opéré.
2.5.4.1 Les névrites
Souvent il s’agit d’un zona touchant le nerf trijumeau. Les nerfs sont
l’objet d’un syndrome inflammatoire. Dans ce cas, la maladie s’accompagne
d’un syndrome vestibulaire (vertiges) d’un nystagmus (mouvements incontrôlés
des globes oculaires), et parfois de surdité.
Les névrites du système cochléaire peuvent être
associées à une méningite.
2.5.4.2 La maladie de Paget
Cette maladie se caractérise par une accélération
du remodelage osseux entraînant des douleurs et un risque de complications
osseuses,
articulaires ou neurologiques. Parmi les symptômes de la maladie,
on trouve des douleurs osseuses, des déformations du crâne
(« signe du chapeau »), du tibia (« en lame de sabre
»), des troubles vasomoteurs, et notamment des acouphènes.
Le diagnostic est principalement radiologique et confirmé par le
dosage des phosphatases alcalines.
Les complications sont rares et ne mettent jamais en danger la vie
des malades. Il s’agit principalement d’arthropathies et de fractures des
os pagétiques devenus très fragiles.
Des complications nerveuses peuvent apparaître, notamment sous
forme de phénomènes compressifs vasculaires ou nerveux. La
surdité bilatérale apparaît lorsque l’os du rocher
est atteint.
2.5.5 Les causes cervico-faciales
Parmi ces causes on note :
- une plaie du cou
- une affection rhino-sinusienne
- une arthrose cervicale
Sur la présence d’un acouphène unilatéral avec
une desaxation dento-maxillaire, des craquements, des antécédents
de soins dentaires ou d’orthodontie dans l’enfance, la suspicion d’un dysfonctionnement
temporo-mandibulaire est évoqué. Le diagnostic est renforcé
si le patient fait part de douleurs péri-auriculaire notamment lors
de l’examen clinique.
2.5.6 Les causes générales
L’oreille est un organe fragile. Toute agression externe peut être
susceptible d’engendrer des acouphènes. C’est pourquoi les maladies
chroniques peuvent intervenir dans la survenue de tels symptômes.
Les causes les plus fréquentes sont :
- l’hypertension artérielle. Elle touche 8 millions de français
et comme les acouphènes, elle se déclare généralement
dans la seconde moitié de la vie.
- l’hypotension orthostatique : L’acouphène soudain et transitoire
du matin pourrait être une conséquence
- l’insuffisance vertébro-basilaire
- l’anémie : le manque de fer prive l’organisme d’hémoglobine
et peut favoriser des hypoxies sur les organes sensibles
- le diabète : l’agressivité du sucre et de ses produits
de dégradation sur les cellules rénales et visuelles ne fait
plus de doute. Les cellules de la cochlée peuvent aussi être
touchées.
- l’hyperlipidémie : A l’origine de nombreuses pathologies cardiaques
(insuffisance cardiaque, infarctus, hypertension), l’hyperlipidémie
touche indirectement l’oreille interne
- l’hyper-uricémie
- les maladies psychiques préexistantes, et notamment les dépressions,
dont la composante somatique se déclare sous la forme d’acouphènes.
- les troubles de la coagulation
- les maladies inflammatoires…
2.5.7 Les acouphènes objectifs
Leur fréquence est d’environ 5 à 10 % des sujets acouphéniques
(7). Toutefois, il ne s’agit pas a proprement parler d’acouphènes.
En effet, la définition des acouphènes ne tient pas compte
des stimulations sonores externes à l’oreille. Or, dans le cas présent,
il s’agit bien de stimulus externes, dont l’origine est facilement identifiée
: ce sont des acouphènes à origine vasculaire ou mécanique.
C’est le caractère pulsatile qui différenciera les deux
familles.
2.5.7.1 L’origine vasculaire
Il s’agit soit de vibrations produites par le passage turbulent du sang
dans un vaisseau suffisamment proche d’une paroi crânienne pour être
transmise à la cochlée par voie osseuse, soit de battements
artériels hyperkinétiques proches de l’oreille.
La fréquence cardiaque module la fréquence et l’amplitude
des acouphènes. Toutefois, l’effet est moins ressenti lorsque l’origine
vasculaire est veineuse et non artérielle.
Dans tous les cas une compression veineuse stoppe les acouphènes.
Lors des explorations fonctionnelles, on découvre soit
- une sténose de la carotide,
- des plicatures ou des fistules artério-veineuses,
- un chemodectome tympanique ou tympano-jugulaire, à l’origine
d’une surdité de transmission,
- une malformation congénitale induisant des trajets vasculaires
aberrants dans la caisse du tympan,
- une compression de la jugulaire cervicale,
- une tumeurs du glomus carotidien,
- un anévrisme carotidien,
- des fistules artério-veineuses (souvent post traumatiques)
Le diagnostic clinique s’établit sur le caractère pulsatile de l’acouphène, rythmé par les battements cardiaques. L’echo-doppler et l’angiographie confirment le diagnostic.
2.5.7.2 L’origine mécanique
Ils sont apparentés le plus souvent à des bruits semblables
à des clics. Il peut s’agir de :
- Béance anormale de la trompe d’Eustache (les acouphènes
sont synchrones à la respiration)
- Contractions tétaniformes des muscles de l’étrier et
du marteau, provoquant grésillements et claquements dont l’intensité
varie selon la position de la tête.
- Myoclonus palatal : une contraction rigide des muscles derrière
les dents
- Claquement des parois de la trompe d’Eustache
- Compression du VIIIème nerf
- Raideur des mâchoires
- Dysfonctionnement temporo-mandibulaire